L’arme de poche
Je suis couchée sur le sol, cachée dans les buissons. D’où je suis, je peux facilement atteindre mon objectif; je vois parfaitement le bâtiment d’où sortiront les personnes que je dois viser. Je sors les outils nécessaires pour atteindre ma cible. Plus tôt en journée, j’ai placé un autre piège dans la poubelle à côté du banc de parc. Tout est synchronisé. Ça va péter fort cette histoire-là. Je suis un peu inconfortable dans cette position, mais la faim justifie les moyens.
Tout est prêt, j’attends juste que la porte s’ouvre, que les bonnes victimes sortent. Une femme marche dans la rue, elle m’a remarquée. Elle m’affronte du regard, et ça dure assez longtemps. Elle est figée par la peur, mais elle continue à se tenir debout. En guise de bonne foi, je baisse le viseur. Elle passe. Je sais qu’elle ne trahira pas ma présence. Je l’ai vu dans son regard. Je peux me réinstaller et attendre.
L’heure arrive. Je suis fébrile. Ça fait longtemps que j’attends ce moment. La porte du bâtiment ouvre, des hommes sortent, des poignés de mains sont échangés. Les hommes s’arrêtent un instant à côté de la poubelle; même les criminelles peuvent avoir la décence de jeter leur carton de café au bon endroit. Il semble rester un peu de café dans le vers d’un des hommes. Je jubile. Ils seront plus longtemps à ma portée que prévu. Ils l’ignorent encore, mais ils sont totalement piégés : « Manon, pèse sur le piton » que je me dis.
Le micro placé dans la poubelle transmet leur conversation directement à mon téléphone; ils décrivent leurs ententes. Ils parlent du crime qu’ils ont planifié et s’en félicitent.
Pas de chance pour eux; tout est déjà coulé aux journalistes, ça va péter fort dans les médias. Mes ennemis ne sont plus.
J'ai pensé à cette histoire en prenant une photo pour la job. Comme quoi, la vie peu demeurer un jeu d'enfant.
Ça, où je n'ai jamais passé le stade symbolique :P*