Au revoir Santé
J’ai écrit ce texte malade, dans une salle d’attente quelque part au Québec à la fin de l’année 2017. J’ai retrouvé ce texte qui n’est pas d’une qualité à tout cassé, j'étais clairement malade, mais qui décrit bien une réalité. Je tenais donc à vous le partager.
J’ai un coup de gueule à faire contre le système de santé au Québec.
Dans un système de santé publique où les frais accessoires ont été abolis, il y a, à mon avis, une grande injustice : l’argent permet encore de prendre des détours et de passer plus vite. Je passerai par-dessus le fait qu’au Québec, le système de santé privé prend tranquillement une part de marché et qu’il choisit les maladies les plus rentables. Le privé se garde : les vaccins, les prélèvements, les remplacements de la hanche et de genoux. Bref, paie des assurances supplémentaires chaque mois et sauve-toi deux ans d’attente pour changer l’os de ton choix. Par contre, va au public pour ton cancer, ou ton ataxie de Charlevoix-Saguenay, impossible de faire du profit avec toi.
Oups, finalement, je n’ai pas passé par-dessus…
En fait, j’ai surtout envie de parler d’une petite crotte sur le cœur que j’ai : Bonjour-Santé. Le service de base de Bonjour-Santé est gratuit : pour un rendez-vous en clinique, tu dois appeler à l’heure indiquée sur le site internet de chaque clinique se servant du système. Tu dois donc avoir internet et un téléphone. Avec l’aide sociale à 633 $ par mois, 1300 $ sous le seuil de la pauvreté, ce n’est pas évident. C’est une première injustice. Une fois que tu t’es mis dans la tâche d’appeler dans les différentes cliniques, la compagnie responsable des inscriptions en clinique pour les rendez-vous dit « sans rendez-vous » fait définitivement tout pour rendre l’expérience gratuite désagréable. À chaque tentative d’appel pour un rendez-vous il faut indiquer un tas d’information personnel : nom, prénom, numéro de carte d’assurance maladie, date de naissance. Après avoir tout rempli, Bonjour-Santé t’indique s’il y a un rendez-vous disponible à la clinique choisie. Il n’y a pratiquement jamais de place lorsque tu appelles pour avoir un service gratuit. À deux, ça a pris trois heures pour trouver un rendez-vous en clinique qui n’a pas été enregistrée par la centrale finalement. Je hais la centralisation…
Après chaque essai, la compagnie rappelle qu’en déboursant 17,25 $ plus taxe la centrale fait les démarches pour toi et te propose le meilleur rendez-vous possible. Il suffit d’avoir un peu de place sur sa carte de crédit et accès internet ce qui n’est déjà pas donné à tout le monde. Étant pour un système de santé publique dont la prise de décision est décentralisée, il était hors de question pour moi, et surtout pour mon conjoint, de donner 17,25 $ à un système de prise de rendez-vous centraliser, opaque et privé. Pour moi, c’est un choix : j’ai mangé la merde qui allait avec ça. Pour le parent monoparental au salaire minimum, ce ne l’est pas. Il subit le fait de ne pas pouvoir se permettre de débourser 17,25 $ par rendez-vous chez le médecin. Il doit prendre le temps d’utiliser un système de merde qui lui rappelle à chaque fois que son temps vaut moins que le 17,25 $ qu’il n’a pas.
Selon mon expérience, ça prend environ 3 h d’essais avec le système Bonjour-Santé pour avoir un rendez-vous. Considérant que le salaire minimum au Québec est de 12 $, avoir un rendez-vous chez le médecin lors que tu n’as pas 17,25 $ plus taxe de disponible sur la carte de crédit coûte minimalement 36 $ de temps. Surtout, c’est 3 h de ta vie que tu ne peux pas prendre pour autre chose.
Vraiment, mon expérience avec Bonjour-Santé a été des plus désagréable. Après 3 h d’essai, j’ai finalement eu un rendez-vous avec Bonjour-Santé dans une clinique. Juste pour me niaiser, mon téléphone a figé, j’ai paniqué et j’ai raccroché par erreur au lieu de confirmer. On a fait encore quelque tentative moi et mon conjoint pour trouver un autre rendez-vous sans rendez-vous : rien à faire. Certaines fois, le système nous a raccrochés au né après nous avoir dit de mettre 17,25 $ sur le site internet pour avoir un rendez-vous. Donc, au bout d’une autre heure, j’ai essayé de voir si je pouvais avoir mon rendez-vous perdu. Sur le message vocal de Bonjour-Santé, ça dit : dès que l’heure de rendez-vous est prononcée, le rendez-vous est confirmé. Donc, je me suis dit que c’était bon.
Le matin arrive et j’appelle à la clinique pour demander des informations supplémentaires sur mon rendez-vous. Évidament, ça n’a pas enregistré. Et la réceptionniste me dit d’appeler dimanche matin très tôt à la clinique pour éviter d’avoir à utiliser ce système (qui est pourtant la voix promue sur le site du gouvernement).
Je ne peux pas attendre à dimanche, c’est la clinique aujourd’hui ou l’urgence demain. Je cherche donc des cliniques qui n’ont pas encore le système Bonjour-Santé. Je trouve une vraie clinique sans-rendez-vous : une clinique où il n’est pas nécessaire de prendre rendez-vous pour avoir un sans rendez-vous. Je m’y présente, je passe par l’infirmière qui me donne un numéro et qui m’indique gentiment qu’ils ont le service chronométrique « patienté librement ». Donc, en échange d’argent pris sur ma carte de crédit, on m’appellera losrqu’il ne restera que 10 patients avant mon tour, puis on me textera à 5 patients. Donc en échange d’argent (5 $), je peux récupérer mon temps.
Je n’ai pas l’intention d’accepter ça. Je vais attendre. C’est mon choix. C’est contre mes valeurs.
Une dame reçoit un appel, c’est l’école de sa plus jeune qui la demande, maintenant. Elle essaie de négocier avec la réceptionniste pour avoir droit au service « patienté librement ». Elle ne peut pas donner le 5 $. Elle explique qu’elle doit maintenant voir à son enfant, que l’école la demande tout de suite, mais qu’elle doit aussi, aujourd’hui, voir le médecin avant que son problème empire. Ce n’est pas la faute de la réceptionniste, mais la dame reçoit une fin de non-recevoir. Elle doit choisir entre elle où sa fille pour une question de 5 $.
Elle part. Elle n’a pas le choix. Elle choisit sa fille.
Radio-Canada a fait un reportage à l’émission « corde sensible » expliquant que les urgences sont engorgées à cause de gens qui n’ont pas de problèmes urgents et qui aurait pu prendre un rendez-vous en clinique plutôt que d’encombrer les urgences. Surtout que traiter quelqu’un dans les urgences coûte plus cher au système que dans les cliniques.
Quand cette dame ira à l’urgence et « engorgera » le système de santé pour un problème qui aurait pu être réglé en clinique, coutant ainsi des centaines de dollars supplémentaires à la communauté, j’en voudrai un peu à Bonjour-Santé et à « Patienté librement » d’avoir poussé à bout une personne cherchant des soins parce qu’elle n’avait pas, en tout, 22,25 $ plus taxe pour passer à temps en clinique et avoir le temps de respecter ses obligations.
En attendant, j’écris ce texte dans la salle d’attente, j’ai la chance d’avoir le matériel me permettant d’optimiser mon temps, et de respecter mes valeurs.
J’essaie d’être suivi pour un problème de santé comprenant des symptômes non spécifiques au Québec alors que je suis à 600 KM de mon médecin de famille et que je n’arrive pas à avoir les congés nécessaires pour la consulté. Je fais donc comme les deux millions de québécois qui n’ont pas de médecins de famille : je fais dur.
Je vais passer la petite histoire de mes symptômes et de leurs conséquences, ce n’est pas important dans la situation. Je ne veux pas non plus m’étendre sur mon cas et parler de mes démarches personnelles. Je veux juste parler de quelque chose que je trouve totalement injuste dans un système de santé publique avec des brèches privées tel qu’il est présentement au Québec : le temps de ceux qui ont de l’argent vaut plus que celui des pauvres parce qu’ils ont 22,25 $ plus taxe de disponible pour avoir un rendez-vous dans la journée, sans attendre sur place.
Je laisse ça ici :
https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1125306/action-recours-collective-deposee-contre-bonjour-sante-clinique-docteur-rendezvous
On a le pire service de santé que j'ai pu voir dans ma vie en comparant aux pays que j'ai visité et que j'ai pu faire l'experience de leur systeme. Franchement c'est horrible ici. Des cas non urgents sont effectivement à l'urgence, mais souvent ces gens n'ont pas de medecin de famille, c'est donc la derniere solution.
La depuis 2 jours nous vivons la mauvaise experience que tu as vécu. On tente de rejoindre un medecin qui pourra voir mon mari qui semble débuter un zona. Après 72h il sera trop tard pour les antiviraux, il devra vivre avec ça et attendre que ça passe. Heureusement, j'ai quelques "potions magiques" que je peux concocter pour faire passer le mal, mais c'est ben plate de ne pas pouvoir voir un médecin. Et attendre à l'urgence pour ça n'est pas vraiment une solution, il sera coté P4 ou P5. On a les moyens por payer le 17,25, ou même aller en clinique privée, mais franchement nous sommes tellement scandalisés par ce système payant que nous préférons souffrir !
Enfin bref, j'espère qu'aujourd'hui tu vas mieux !
C'est bien dommage qu'on en soit rendu là au québec. Mais personellement je préfère appeler dans 30 cliniques pendant 3 heures que de faire la queue à 6AM sur le trottoir pour finalement me faire dire que la clinique est complète 2 heures plus tard. En plus, il reste peu d'hôpitaux et de cliniques qui n'ont pas un parking payant, a des prix identiques au service optionnel de Bonjour-Santé (parker son char, ce n'est pas optionnel).
Si le gouvernement est incapable de désengorger des cliniques malgré les milliards de dollars qu'il dépense, faut pas être surpris que les cliniques privées et les services payants deviennent soudaienement attrayants et populaires.
Ce n'est pas qu'une question d'argent. Il faut permettre au infirmière clinicienne d'avoir plus de pouvoir, elles sont parfaitement capable de diagnostiquer et de prescrire pour des petits bobos de la vie en collaboration avec les pharmaciens. Sans ça, le privé connaîtra les mêmes problèmes à la longue. Ça fera juste nous coûter plus chère collectivement.
Ça revient au même. Le gouvernement est celui qui règlemente ce que l'infirmière a le droit de dire et de faire. Le lobby des médecins n'est pas prêt de s'effondrer au Québec.
Il n'est peut-être pas prêt de s'effondrer, mais aucun élu n'est obligé de l'écouté. C'est pas mal ça qui va faire la différence.
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